vendredi 30 décembre 2011

Le message passe - Vilanova

23/12/2011. En fait, le truc du "Dehors quelqu'un m'appelle" de mon dernier petit récit, c'était surtout pour mettre un peu de suspense dans le déroulement de l'aventure. j'avoue.
Reprenons. On m'appelle dehors. Ce sont les gars de la capitainerie. "Il faut payer!" Pas de problème, mais on commence par se dire bonjour ou pas du tout ? Vraiment pas très aimables ces gens-là. Ils ont dû avoir froid ce matin en me faisant des signes avec leur lampe de poche et du coup ils sont de mauvaise humeur. Heureusement, il y a, à Vilanova, des personnes super sympas et cette petite escale prend une belle tournure, de belles rencontres et d'émouvants témoignages. Ah... TaraTari.... tu as le chic pour toucher les gens, toi.
 

Ces trois heures de sommeil réparateur m'ont fait du bien. Dehors ça parle assez fort et j'entends des "Hola?! Hola!?" qui semblent m'être adressés. Je sors, les yeux encore un peu lourds de fatigue. Des hommes sont sur le ponton. Ils ont tous des bateaux et m'indiquent un à un lequel est à qui. Avec leurs grosses voix rauques ils commencent à me féliciter pour ma manoeuvre de port matinale. Ils étaient là, ils ont vu et n'en reviennent pas. J'ai l'impression que ce qui les marque le plus c'est que je sois une jeune femme... ils répètent au moins dix fois "Una mujer... sola !" Alors que certains me posent des questions, d'autres arrivent, vont et reviennent. Tous sont choqués par l'attitude des gars de la capitainerie. L'antipathie des uns et l'incroyable accueil des autres. Contraste en effet assez énorme.
Vincente m'offre un café, me raconte ses navigations et contacte un ami mécano "si je peux faire quelque chose pour que ton moteur fonctionne...". Le mécano vient. "Je n'ai jamais vu un moteur comme ça! mais il est bon pour la poubelle!!"  - Pauvre DjianDong, ne l'écoute pas. Les visites se succèdent devant TaraTari, je ne comprends pas tout ce qu'il se passe mais je me retrouve avec un parbat flambant neuf, un gros fromage, des bouteilles de Cava, du vin, des boîtes de conserve, une couverture polaire, deux bonnets, des bouts et même un calendrier 2012 de la Caixa... je croule sous les cadeaux des navigateurs de Vilanova i la Geltru. En main propre ou déposés à bord. C'est Noël avant l'heure!


Parmi ces généreux marins, il y a Amadeu, 46 ans, qui me raconte lui aussi ses plus beaux moments en mer, et les coups durs. Amadeu navigue autant qu'il le peut, et depuis toujours. Autour d'un bon café, il m'explique qu'il y a deux semaines, il y a eu une méchante tempête, ici.
-"Dans la nuit du 3 au 4 décembre?"
-"Oui, c'est ça!"
-"je vois de quoi tu parles, j'étais en mer, et j'ai du faire demi-tour devant la ferme piscicole, là-bas"
-"Non?! sérieusement?! tu étais en mer pendant cette tempête?!" Il n'en revient pas.
Je lui demande si c'est fréquent, ce type de tempête surprise qui n'était pas du tout prévue sur les fichiers météo. Il m'explique qu'il est rare que ce soit si fort et si soudain mais qu'en général, il y a un gros nuage noir qui annonce le phénomène. "Un gros nuage noir", c'est justement ce que je décrivais ici, à mon retour à la case "Barcelone". Ok, alors je vois. Il continue:
-"Le nuage noir veut dire : vite faire demi tour ! C'est la seule option!"
-"C'est ce que j'ai fait... un peu tard, mais je suis rentrée à bon port, sans abîmer le bateau".
Cet échange est bien intéressant. Je note sur mon cahier ses bons conseils. Il me fait visiter son bateau, m'offre Cava et un super fromage et me dit qu'il m'enverra par mail les cartes précises des entrées des ports tout au long de ma descente vers Gibraltar. Amadeu est un marin. Un vrai, un dur à cuire. La mer est sa passion et sa vie. Son grand père était pêcheur, son père aussi. Il me dit tout le respect qu'il a pour mon mode de navigation "sans ordi, sans artifice, et tout ça en plein hiver" "ça fait réfléchir" dit-il enfin. Il me dit que désormais il suivra TaraTari. Amadeu est très mécontent de l'attitude des gars du port "Ils n'ont rien compris. Un bateau comme le tien mérite d'être tellement bien accueilli, ils ne connaissent rien à la mer, rien à la navigation et ne pourront jamais rien comprendre à ce que tu fais.... je suis désolé" regrette-t-il.


Et puis il y a Uri et Laia. Ils ont à peu près mon âge et viennent voir TaraTari. Uri a mis toutes ses économies dans un voilier  "Senyera", qui est devenu sa maison. Ils sont absolument adorables. Uri est fasciné, m'explique que voir TaraTari lui fait du bien "A Vilanova, il y a beaucoup de voiliers très grands, très chers, qui appartiennent à des gens qui ne naviguent pratiquement jamais. Quand je vois Tara Tari, je me dis que c'est toi qui a raison, qu'avec peu, on peut y arriver quand même. C'est génial, merci pour ce que tu fais, c'est très fort et ça me motive à réaliser mes propres rêves de navigation".  Il y a quelque chose de fort dans le ton de sa voix, je le sens ému, et profondément touché par Tara Tari. Je leur propose de monter à bord, ravis, ils me posent de nombreuses questions. "tu as vu les barres de flèches, Laia, ce sont des béquilles!!" Ils regardent le bateau avec un joli sourire. Uri est désormais convaincu qu'un jour il ira, lui aussi, vers la réalisation des ses rêves. "Tu me prouves que c'est possible. Ne serait-ce que parce que tu essaies. Et avec si peu de moyens."


TaraTari dévoile son message, au fil des milles et des rencontres. A bord de leur voilier, Uri m'installe sur mon petit ordi un logiciel de cartes marines. "Tu as désormais tous les ports du monde!" Quel cadeau! Merci! Ce n'est pas un logiciel de navigation, car je ne navigue qu'avec des cartes papiers et un petit gps portable, mais c'est super car mes cartes papiers ne sont pas toutes très détaillées et cela va m'aider à préparer mes navs. Laia me tend des boîtes de conserve de thon et d'ananas, et puis ils m'offrent aussi le pavillon catalan, qu'ils ont signé. Je leur offre la bouteille de vin blanc que l'on m'a offert une heure plus tôt (ça ne se fait pas d'offrir un cadeau, mais je tiens à les remercier et je n'ai pas grand chose à offrir pour le moment).

Assez vite, je trouve un endroit pour me connecter à Internet et regarder la météo. Tout près du port, Cristian a 35 ans, a quitté Barcelone pour se rapprocher des vagues et ouvert un petit hôtel. Son truc c'est le surf. Il a le look. Et du coup nous parlons surf et aventure. Sur son grand ordinateur, je lui montre les petits films de "Des Iles Usions", le trip de "sruf et de survie" d'Aurel Jacob, Ewen Le Goff et Ronan Gladu, qu'il ajoute à ses 'favoris'. A découvrir ici. Ici, au coeur de la Catalogne, la bande son du film des trois Bretons s'entend dans tout l'hotel, restau et terrasse. Les quelques clients semblent surpris, et cela nous amuse. Nous parlons un bon moment de cette conception de vie, d'aventure, de vagues, de surf et de lointains horizons, plus purs et plus sauvages. Cette discussion est surréaliste, au milieu des guirlandes de Noël.


Petit coup d'oeil aux fichiers météo; ça passe, je me prépare à repartir. Il n'y a pas beaucoup de vent, et je ne peux pas compter sur l'aide de la capitainerie pour sortir de ce port, Uri se propose de me remorquer avec son voilier. Deux bouts fixés au support de dérives, et un long bout, la sortie du port s'annonce bien mais un gars de la capitainerie râle encore "Tu dois payer pour ta présence ici!!" - ça faisait au moins 45 minutes que l'on ne me l'avait pas dit - "Bonjour Monsieur, c'est fait et ça fait 4000 fois que vous me l'exigez, je suis en règle, j'ai payé ce que je devais." L'homme ne me croit pas et me demande la preuve du paiement, ce qui m'énerve car nous sommes en pleine manoeuvre de port. Il file faire sa photocopie et revient. "Désolé mais j'ai des consignes!" dit-il en bougonnant."Au revoir, monsieur, et joyeux noël.."

Je libère le bout de remorquage, Uri et Laila font quelques photos et je me retrouve enfin en mer. Je repense à cette escale si courte et si forte. Dans ce port au nom improbable, Tara Tari a réussi a surmonter une tempête, à faire face à une ferme piscicole, et à se faufiler parmi 37 bateaux de pêches croisés à l'entrée du port. Mais ici, à Vilanova i la Geltru, TaraTari aura surtout réussi en quelques heures à toucher le coeur de marins et réveiller leurs rêves. C'est fou, le pouvoir de petit voilier.

Et TaraTari et moi sommes repartis en mer, pour poursuivre sans attendre, notre aventure en mer.

départ de Vilanova i la Getlru. photo:Uri
Gracias por todo, Vincente, Cristian y sobre todo a vosotros Amadeu, Uri y Laia.
Bona Proa, amigos! Seguimos en contacto!



Cap au Sud, Sud Ouest...
Capucine

2 commentaires:

  1. ce petit voilier n'est pas le seul responsable de ce "réveil des consciences" (...)

    ;)

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  2. Gracias a ti Capucine, una gran suerte conocerte.

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