lundi 30 janvier 2012

Le capitaine avait une petite tache sur sa cravate

Valence - Alicante, du 21 au 26 janvier 2012. En mer.
Encore, de jour et avec une bonne paire de jumelles et en observant les reflets du soleil sur la coque du cargo, identifier la trajectoire de ces gros bateaux relève du jeu, mais la nuit c'est plus compliqué. Au large, des cargos déboulent de tous les côtés en direction de Valence. Le vent est bon, et avec TaraTari nous traversons finalement à la voile. je reste très attentive, ce début de nav annonce de nouvelles émotions fortes.


Cela fait quelques heures que TaraTari a quitté la marina de Valence, et cela fait quelques heures que nous avançons donc entre les cargos. Il y a assez de vent pour pouvoir manoeuvrer, mais les cargos et les ferries m'impressionnent vraiment beaucoup. Ils arrivent si vite et ils sont si gros. De vrais immeubles flottants. Et puis ici, ils sont vraiment très nombreux. A chaque nouvelle étape, j'apprends un chapitre nouveau. Visiblement entre aujourd'hui et cette nuit, c'est un apprentissage intensif de la nav au milieu des gros bateaux. Ils arrivent de partout.

tiens, un livreur de légos

La nuit, on voit une lumière blanche grossir sur l'horizon. La petite lumière peut passer loin, ou se rapprocher, tous les cas sont uniques. A surveiller. Il faut 35 minutes environ pour que le petit point sur l'horizon ne se transforme en malheureuse collision. Si la lumière diminue, c'est que le cargo est parti embêter d'autres voiliers. Si la lumière devient de plus en plus grande, c'est que nos bateaux se rapprochent. Difficile de savoir exactement le cap du gros bateau. Il y a plusieurs indices qui aident à estimer son cap. Ces gros bateaux ont des feux blancs a l'avant et à l'arrière du bateau. S'il est possible de distinguer les deux feux, c'est que l'on voit un côté du bateau. Si ces deux feux sont alignés et qu'ils grossissent, c'est plus embêtant, cela signifie que le bateau arrive. Mais cela ne veut pas encore dire qu'il y a route de collision. Si on voit le feu rouge et le feu vert, alors là, c'est encore plus embêtant, car cela veut dire que le gros bateau est tout prêt et qu'il a pris TaraTari comme cible.
Là, je pense bien à ce que m'a expliqué mon coach spécial cargo (et qui se reconnaîtra). Quand un gros cargo approche, tant que l'on ne sait pas exactement quel est son cap, il ne faut pas changer sa propre trajectoire, enfin s'il y a assez de vent pour être manœuvrable au moment voulu, bien entendu. La dernière fois que j'ai essayé de passer, il n'y avait pas de vent, et je n'ai même pas essayé de m'aventurer dans ce plan d'eau qui ressemble étrangement à une piste d'auto-tamponneuses (à cause des lumières des bateaux certainement).

 - si je devais résumer ma soirée du 21 janvier au large de Valence -

Quoi qu'il en soit, ce soir, TaraTari et moi nous nous retrouvons en situation réelle et suivons les bons conseils donnés par les copains navigateurs.

A bâbord un ferry,


à tribord un autre ferry ou paquebot,


Olivier de Kersauson a dit un jour que quand un cachalot arrive par tribord il est prioritaire, et quand il arrive par babord il l'est aussi. Ceci est valable aussi pour les cargos. Et les ferries.

Au vent, le ferry qui arrive à tribord a visiblement décidé de passer au plus près de TaraTari. VHF en main, il est temps d'abattre (pas le cargo!), c'est à dire écarter le voilier de l'axe du vent, de manière radicale, à 90° de la route de ce monstre lumineux. C'est aussi le moment de réviser ses classiques et de chanter un bon titre de Bob Marley. Normalement le ferry est au courant - que je suis là, pas que je chante du Bob Marley. Il sait que nous sommes là, car TaraTari a un super réflecteur radar qui scintille comme un bijou sur son hauban tribord, mais c'est toujours bien d'avoir la vhf sous la main, histoire de faire les présentations, avant la rencontre.
Quelques secondes. Le ferry passe, à 100 mètres. A peine. Il est si proche qu'à son passage, j'ai pu voir les hommes de la cabine de pilotage les mains collées aux fenêtres. je crois qu'ils étaient un peu curieux et qu'ils ont fait exprès de venir voir de (très) près TaraTari.
En live, ça donne à peu près ça. Je n'ai pas l'option 3D sur mon petit appareil mais on imagine.. et oui, moi aussi en voyant ça maintenant avec TaraTari, je me demande "mais qu'est-ce que nous faisions là?" :)



Petites émotions, mais un stress maîtrisé qui a été un bon conseiller pour garder la lucidité nécessaire. Presque autant que Bob Marley, que je tiens à remercier pour sa précieuse aide et sans qui rien n'aurait été possible. Les ferries sont passés, et le soleil s'est levé. Pour ce qui est des cargos, même si je n'aime pas trop les voir de près, j'ai compris quelque chose. Qu'ils passent à 10 km ou à 100 mètres, tant qu'ils ne passent pas sur une coque en jute, finalement il n'y a pas de problème. Et il n'y a donc pas eu de problème. Si ce n'est cette petite tache que j'ai pu voir du coup, sur la cravate du capitaine du ferry. ça fait un peu désordre, je trouve.

Capucine

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